OPÉRA POUR UNE MÈRE MALENTENDANTE

La disparition progressive puis totale de la transmission du son dans les oreilles de ma mère, pourtant encore jeune, fut un événement familial. Plus tard, la restitution partielle de son audition suite à des opérations et des appareillages sophistiqués, fut aussi un évènement, heureux celui-ci. Mais, lorsque, au moment même de ses retrouvailles partielles avec l’audition, elle manifesta une passion pour les retransmissions télévisuelles sous-titrées d’opéras, cela fut curieusement vécu par l'entourage comme un non évènement. Une femme malentendante écoutant, certains soirs, de l’opéra sous-titré in extenso à la télé, à l’époque, cela paraissait certes un peu décalé, mais pas plus que ça.
C’est pourtant ainsi que l’histoire de son audition perdue et partiellement retrouvée devint secrètement sa symphonie chantée. Car en observant les sous-titres sur les visages des chanteurs et des chanteuses, les sons, les mouvement de leurs lèvres, leurs mimiques et leur attitude corporelle, elle se bricola en quelque sorte une orthophonie personnalisée et efficace...sans orthophoniste. Ce fut des nouvelles noces avec les sons et la langue, au-delà du handicap.
Qu’entendent les sourds et les malentendants ? Et pourquoi leur si grand goût pour la musique, jusqu’à la pratiquer et même parfois intégrer des orchestres professionnels, comme me l'expliquèrent les documentalistes de la Médiathèque de la Cité de la musique à Paris ? Prêtant une attention bienveillante à mes questionnements, je découvris alors l'investissement de ces documentalistes pour regrouper un corpus de textes et de témoignages sur ce thème des sourds musiciens. Ils enrichissent la collection de passionnants documents au fur et à mesure et la partage généreusement.