UNE SCÉNOGRAPHIE DES RUINES

A Tirana, en Albanie, dans certaines salles de ce musée de l'horreur des années de la dictature de Enver Hoxha, on n’enjolive pas, on ne restaure pas, on ne modernise pas, on ne met pas au goût du jour les archives, on "désoeuvre" l'idée même de musée. C'est une démarche très réfléchie, issue d'une équipe pluridisciplinaire internationale. Même, on réitère la presque disparition en nous propulsant dans une ruine. Et cette dernière apparait ainsi et encore, maintenant et plus que jamais, sous le coup d'une possible disparition.
On comprend que la mémoire, altérée et abîmée par ces atrocités, si elle n'est pas totalement détruite, ne sera jamais totalement réparable dans le temps. Elle ne survit que par ces quelques ruines et donc par notre regard empli d'un mélange d'émotion et d'accablement. C'est donc parce qu'elles sont encore en mouvement que cette mémoire semble impossible à mettre "en musée". Subsistant ici sous forme de ruines d'archives à la fois réelles et imitées, (ou les deux, nous ne saurons pas) elles sont in vivo et in situ devant nous, les visiteurs. Nous sommes devenus ainsi des témoins. L'audace aura été de ne pas séparer dans la présentation, reproduction et altération.